L’UN DES FACTEURS DE PROTECTION LE PLUS EFFICACE, C’EST LA RELATION DE BIENVEILLANCE. ELLE AGIT […] COMME UNE RESSOURCE PERMETTANT D’ACCROÎTRE LA RÉSILIENCE.
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Publié le 21 mai 2020 | Mis à jour le 27 mai 2020
COLLABORATION SPÉCIALE
Un texte de Pierre Potvin, professeur titulaire retraité au Département de psychoéducation de l’Université du Québec à Trois-Rivières.
Réseau réussite Montréal sollicite des chercheurs et chercheuses sur certains aspects de la persévérance scolaire liés à la crise actuelle. Un grand merci à chacun d’eux pour leur collaboration à notre dossier spécial COVID-19 et réussite éducative.
L’état des lieux | Les plus vulnérables | Le filet de sécurité | La relation de bienveillance | Les pistes d’action | L’auteur
Mot de l’auteur : Le présent texte s’appuie sur mes travaux de recherche en éducation et en psychoéducation, sur mes publications et mes expériences d’accompagnement de milieux scolaires avec le Centre de Transfert pour la Réussite Éducative du Québec (CTREQ).
État des lieux sur la pandémie COVID-19
La pandémie du coronavirus (COVID-19) est l’occasion de transformation des vécus des familles et des jeunes partout au Québec, mais particulièrement dans la grande région de Montréal, où le virus frappe plus fort qu’ailleurs.
De nombreuses conséquences touchent les familles et peuvent avoir des impacts sur l’organisation familiale, le climat familial et mettre en péril la sécurité des enfants les plus vulnérables.
Cette transformation des environnements et des habitudes de vie est l’occasion de déclencher de l’anxiété, des peurs, du stress chez les enfants, les adolescents et les parents.
De plus, l’arrêt ou la diminution des apprentissages scolaires risque de favoriser des retards d’apprentissage, de la démotivation et augmenter chez certains adolescents le niveau de risque de décrochage scolaire si l’accompagnement ne se poursuit pas.
Les plus vulnérables
Les enfants et les adolescents les plus vulnérables, qui représentent autour de 20 % des jeunes, sont ceux qui vivent une ou plusieurs des situations suivantes :
- Vivre en milieu défavorisé
- Avoir un milieu familial dysfonctionnel avec risque de négligence ou de maltraitance
- Présenter des difficultés d’apprentissage
- Présenter des difficultés de comportement extériorisé (opposition, agressivité, hyperactivité, etc.)
- Présenter des difficultés de comportement intériorisé (anxiété, peur, retrait, rejeté par les pairs, etc.)
- Avoir peu de motivation scolaire
- Être identifiés à risque de décrochage scolaire
L’importance du filet de sécurité et des actions à poursuivre
On entend par filet de sécurité sociale les différents programmes gouvernementaux et les actions d’organismes communautaires conçus pour venir en aide aux personnes les plus vulnérables de la société. Il est important de s’assurer que ce filet de sécurité pour les enfants et les adolescents à risque soit présent et déployé avec efficacité afin d’agir comme facteur de protection. L’importance est particulièrement grande en cette période de crise de la pandémie, car celle-ci augmente les vulnérabilités des parents, des enfants et des adolescents par la perte d’emploi des parents, le stress, le confinement et la trop grande proximité dans un espace restreint, la diminution des contacts avec l’école et les amis, la transformation des habitudes de vie et la peur d’attraper le virus, etc.
En période de pandémie et tout au long de l’été, il sera très important d’être proactif face aux jeunes vulnérables, aux parents et aux écoles :
- Encourager le jeune à persévérer et le soutenir dans ses travaux scolaires à la maison
- Faire le suivi des jeunes les plus vulnérables en maintenant le contact et en soutenant le lien avec son et ses enseignants de l’école
- Soutenir, informer et encourager les enseignants dans leurs relations avec les jeunes les plus vulnérables
- Être créatif, inventif pour faire face aux contraintes des restrictions, des changements provoqués par le confinement ainsi que par le déconfinement. Viser à ce que les jeunes restent actifs physiquement, intellectuellement, malgré les contraintes. Dans la mesure du possible, doser (limiter) l’exposition aux écrans
- Contrer le découragement et le sentiment d’impuissance soit chez les jeunes, les parents, les enseignants ou chez les intervenants des organismes impliqués. L’une des façons de procéder est d’être proactif en offrant des alternatives de solutions possibles
L’importance de la relation de bienveillance
L’un des facteurs de protection le plus efficace, c’est la relation de bienveillance. Cette relation de bienveillance doit être exercée par les intervenants des organismes communautaires, par les parents des jeunes, par les enseignants, par les professionnels de l’éducation et les directions d’établissements scolaires.
L’attitude de bienveillance (le caring) que manifestent les adultes envers les enfants est l’une des plus importantes pour créer un climat de saines relations interpersonnelles qui favorise chez le jeune le développement d’une estime de soi positive, d’une confiance en soi, d’un sentiment de sécurité et d’une motivation scolaire importante pour les apprentissages.
Qu’est-ce que la relation de bienveillance ?
Pour faire preuve de bienveillance, il faut :
- Savoir écouter
- Prendre soin de l’autre (le caring)
- Savoir le soutenir
- Être empathique
- Témoigner de la compréhension et de la chaleur dans la relation[1]
De son côté, le jeune qui bénéficie de la bienveillance devra pour sa part, répondre positivement en témoignant son appréciation et en acceptant de recevoir. Il est fort possible que des jeunes vulnérables ne sachent pas comment répondre positivement à la relation de bienveillance étant donné que bien souvent ils ne la vivent pas dans leur milieu. Il faut alors leur faire apprendre comment réagir à ce type de relation positive. L’une des façons est d’apprendre à rester ouvert à cette relation et en restant positif.
La bienveillance permet aux organismes (école, maison de jeunes, etc.) de devenir un « havre de paix, un îlot de sécurité » pour le jeune qui vit de grandes difficultés ou qui grandit dans un environnement familial insatisfaisant. Elle agit alors comme une ressource permettant d’accroître la résilience[2].
Diverses actions orientées durant cette pandémie
Ayant pour toile de fond la relation de bienveillance, diverses actions sont recommandées afin de réduire les conséquences négatives de la pandémie et des nombreuses contraintes occasionnées par le confinement et le déconfinement. Voici quelques exemples d’actions possibles.
Le deuil de la séparation
En collaboration avec l’école et les enseignants, voir à ce que chaque jeune (enfant et adolescent) puisse faire son « au revoir » à son enseignant et que celui-ci puisse à son tour lui répondre.
- Ce peut être par un mot écrit de la part du jeune adressé à son enseignant et aussi la même démarche du côté de l’enseignant
- Le message peut être aussi un dessin ou un contact via le courriel, ou une rencontre Skype, Zoom, etc.
- Au secondaire, pour le jeune, ce peut être le choix de l’un de ses enseignants le plus significatif et du côté de l’enseignant le choix des élèves avec qui la relation a été la plus proche
- Cette proposition d’activité s’applique aussi et encore plus aux professionnels non enseignants (orthopédagogue, éducatrice spécialisée, psychoéducatrice, orthophoniste, etc.) qui sont venus en aide à des élèves en difficulté scolaire
Le rite de passage
En principe, il n’y n’aura pas d’activité de fin d’année (6e année ou bal des finissants pour le secondaire). Ces activités sont un rite de passage important pour les adolescents. Il serait alors bon de réaliser, en collaboration avec l’école, une activité symbolique qui permet de souligner cette étape importante de vie chez les jeunes.
Mise à jour : certaines organisations sont actuellement à mettre en place des initiatives pour permettre aux finissantes et aux finissants de vivre ce rite, même en contexte de pandémie (ex. : Télé-Québec et MAMMOUTH organisent un bal virtuel pour tous les finissants du Québec).
Maintenir le lien avec un adulte significatif
Vérifier à ce que chaque jeune vulnérable ait un adulte significatif dans sa vie. On parle d’un lien d’attachement avec un adulte significatif.
- Ce peut être un oncle, une tante, un grand-parent, un professeur, un professionnel de l’école, un intervenant d’un organisme communautaire, etc.
- Faire en sorte que cette relation se poursuive actuellement et durant la période de l’été
- Ce lien peut se réaliser en présentiel (en respectant les consignes de distance physique si nécessaire) ou d’une façon virtuelle (Skype, Zoom, etc.). Si le jeune n’a pas cette technologie (portable, tablette, etc.), voir s’il est possible qu’il profite d’un prêt d’équipement et, si c’est le cas, l’initier à la technologie si nécessaire.
Entretenir une passion
Comme c’est le cas de l’importance d’un adulte significatif dans la vie du jeune, il est important de soutenir chez le jeune l’engagement dans une activité, un projet qui le passionne. Cet engagement est source de développement de l’estime de soi, de la valorisation et du bien-être. Peu importe la nature du projet (sport, arts, musique, jeux vidéo, mécanique, bricolage, sciences, moniteur dans un camp d’été, etc.). L’important est de favoriser une passion et de l’orienter vers un développement constructif.
Voir à la poursuite des apprentissages scolaires
Plus de 20 % des jeunes présentent des difficultés dans leurs apprentissages scolaires et ce taux est plus élevé en milieu défavorisé. La poursuite des apprentissages à distance (l’école à la maison) semble avoir été inégale et les jeunes à risque sont ceux qui en vivent le plus les conséquences négatives. Afin que la rentrée scolaire de l’automne prochain ne représente pas un défi trop difficile pour ces jeunes, il serait important de s’assurer qu’ils poursuivent durant l’été des activités « scolaires » leur permettant le rattrapage. Entre autres, des activités d’accompagnement à la lecture, des projets de jeux scientifiques (pas seulement pour les Petits Débrouillards) ou pour certains dont c’est nécessaire, de la récupération.
Préparation à la rentrée de septembre
La rentrée scolaire de septembre risque d’être complexe. Toutes sortes de scénarios sont sur la table à dessin du ministère de l’Éducation. Peu importe les scénarios, les défis seront grands, particulièrement pour les élèves à risque. Il est donc important que les organismes qui interviennent auprès des jeunes accompagnent les jeunes et leurs familles à faire face à ces défis de taille qu’il est présentement difficile à anticiper.
Auteur
Pierre Potvin Ph.D. ps.ed.
Psychoéducateur et détenteur d’un doctorat en psychopédagogie de l’Université Laval, il est présentement professeur titulaire retraité au Département de psychoéducation de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR). Reconnu pour son expertise en décrochage scolaire, il est chercheur associé au Centre de Transfert pour la réussite éducative du Québec (CTREQ). Il est auteur et coauteur de nombreux articles scientifiques et professionnels, de rapports de recherche, de livres, de logiciels de dépistage et d’outils de soutien à l’intervention psychoéducative. Il est membre émérite de l’Ordre des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec (OPPQ) et a reçu divers prix et reconnaissances (membres honoraires d’organismes, médaille d’excellence en recherche).
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Références
[1] Potvin, P. (2018). Élève à risque d’échec scolaire. Un regard sur la résilience et les facteurs de protection. Collection psychoéducation. Béliveau Éditeur.
[2] Henderson, N., Bernard, B. et Sharp-Light, N. (1999). Resiliency in Action: Practical Ideas for Overcoming Risk and Building Stenghs, in Youth, Families and Communities. San Diego, Resiliency in Action Inc.